a police officer standing near white concrete pillars of a building

Extrait des pages 2647 à 2651 du Journal Officiel en date du 20 Octobre 1989, concernant la Séance du Jeudi 19 Octobre 1989.

Adoption d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (no 273, 1988-1989), adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’utilisation des détecteurs de métaux [rapport n° 411 (1988-1989)]

M. Maurice Schumann, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Maurice Schumann, président de la commission. En accord avec le Gouvernement, je demande que M. le rapporteur prenne la parole en premier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Miroudot, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout comme le projet de loi relatif aux biens culturels maritimes, que nous serons appelés à examiner tout à l’heure, le projet de loi relatif à l’utilisation des détecteurs de métaux s’inscrit dans un programme plus vaste de rénovation des moyens et des méthodes de notre archéologie, rénovation motivée par l’intérêt croissant que Portent l’ensemble de nos concitoyens aux vestiges de notre passé et consacré, le mois dernier, par l’inauguration de l’année de l’archéologie. Quel est l’objectif poursuivi par le présent projet de loi ? Il tend à rendre compatibles l’utilisation des détecteurs de métaux et la conservation du patrimoine archéologique. L’intégrité de ce patrimoine est, en effet, menacée par la multiplication de l’utilisation de détecteurs de métaux par des personnes dépourvues de connaissances historiques ou de méthodes archéologiques dans un but récréatif dit de « chasse au trésor », ou même dans un esprit lucratif motivé par le commerce des antiquités.
Le projet de loi se propose donc de réglementer la prospection assistée de détecteurs de métaux. Je voudrais, avant d’aborder le fond, souligner que le Sénat s’est très tôt préoccupé de cette atteinte portée au patrimoine archéologique. En 1981, puis en 1984, notre collègue M. Marc Boeuf a déposé deux propositions de loi visant à interdire l’acquisition des détecteurs de métaux et à en réserver l’utilisation aux seules personnes titulaires d’une autorisation.
Ces initiatives, de même que le présent projet de loi, ont été fort mal accueillies par les utilisateurs de détecteurs de métaux.

M. Emmanuel Hemel. Eh oui !

M. Michel Miroudot, rapporteur. Ceux-ci leur reprochent d’anéantir une liberté individuelle, la liberté de prospection, et de procéder d’une conception élitiste de la culture en institutionnalisant un monopole des archéologues sur la recherche des vestiges de notre passé commun. Ces griefs justifient que je consacre une partie de mon développement à légitimer l’intervention du législateur. Comment, en effet, l’utilisation incontrôlée des détecteurs de métaux peut-elle porter atteinte au patrimoine archéologique? Ne faut-il pas, à l’inverse, considérer que les utilisateurs de détecteurs contribuent efficacement à la découverte du patrimoine archéologique ?
La réponse à ces interrogations trouve son fondement dans la nature spécifique du patrimoine archéologique lui-même : celui-ci constitue une réserve culturelle finie, et c’est à ce titre qu’il requiert une protection particulièrement efficace.

Une formule, utilisée dans une campagne de sensibilisation du public en Irlande, illustre très clairement cette finitude et mérite, à ce titre, d’être rapportée : « La nature se régénère, le patrimoine archéologique jamais. » Dès 1981, dans un rapport consacré aux détecteurs de métaux et à l’archéologie, la commission de la culture de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe établit sans détours le lien de causalité : « L’engouement récent pour la détection des métaux est venu apporter une sorte de coup de grâce à l’archéologie », ou encore : « L’utilisation de détecteurs de métaux par le public constitue une menace directe pour le patrimoine archéologique qu’elle détruit inéluctablement et sans laisser de traces. » Comment expliquer cet antagonisme entre la prospection scientifique conduite par les archéologues et la détection amateur ? La réponse réside, à mon sens, dans la conjonction d’une double divergence. Divergence de motivation, d’une part : le but des archéologues professionnels est de contribuer à enrichir la connaissance du passé commun en interprétant leurs découvertes et en livrant leurs conclusions à la connaissance du public ; la quête des utilisateurs amateurs, à l’inverse, est mue par la volonté de se constituer une collection personnelle ou d’approvisionner le marché des objets d’antiquité. Divergence des méthodes d’investigation, d’autre part, conséquence logique de la première : toute méthode d’investigation scientifique est fondée sur une démarche exhaustive, l’archéologue ne s’intéresse pas tant à l’objet qu’à sa signification dans son contexte. La démarche de l’amateur se caractérise, au contraire, par sa sélectivité puisqu’il lui importe seulement d’extraire l’objet détecté sans se soucier de son environnement.
La protection du patrimoine archéologique doit, en conséquence, se révéler particulièrement efficace. Pour l’être réellement, elle doit être générale, et j’insisterai sur ce point. Les représentants des associations d’utilisateurs revendiquent, en effet, la délimitation de terrains de prospection réservés aux amateurs. Cette délimitation pourrait, à leur sens, s’opérer de deux manières : soit par la transposition au domaine de l’archéologie du dispositif de classement et d’inscription qui prévaut en matière de protection des monuments historiques, l’utilisation des détecteurs de métaux par des amateurs étant alors proscrite sur les sites répertoriés mais s’exerçant en toute liberté en dehors de ces zones ; soit encore par la reconnaissance aux chercheurs amateurs d’un droit de prospection qui s’exercerait sur l’ensemble du territoire dans les limites d’une « couche supérieure », les fouilles en profondeur restant alors de la compétence exclusive des archéologues.
Ces deux propositions doivent être réfutées de la même manière, car elles ne permettraient pas d’assurer une protection efficace du patrimoine archéologique : nombreuses sont, en effet, les découvertes importantes repérées par la présence d’un objet isolé ou d’un objet en surface dont les archéologues ont su interpréter la signification, mais dont l’important ce n’aurait pas été perçue par les profanes. La nécessité d’une réglementation conciliant la sauvegarde du patrimoine archéologique national et l’exercice d’une liberté individuelle paraît donc s’imposer.
La législation actuelle ne répond plus qu’imparfaitement au souci de protection du patrimoine archéologique. En effet, si, aux termes de la loi validée du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, la fouille qui suit logiquement la détection d’un objet métallique est constitutive d’un délit, l’utilisation des détecteurs de métaux n’est pas en elle-même répréhensible. Dans ces conditions, il reste difficile pour le juge d’apporter la preuve matérielle du fait délictueux. La législation ne permet donc pas d’assurer une protection efficace du patrimoine archéologique menacé par l’engouement croissant du public pour les appareils de détection. Dans ce contexte, le projet de loi tend à renforcer la protection du patrimoine archéologique et comporte trois volets complémentaires.

Premièrement, le projet de loi soumet à autorisation administrative l’utilisation de détecteurs de métaux aux fins de recherche archéologique, j’insiste bien sur ce point. En subordonnant l’autorisation administrative à l’objet de la recherche, la prospection archéologique, le projet de loi préserve la liberté de la détection de loisirs. On peut, néanmoins, s’interroger sur la portée réelle de cette restriction : les hypothèses dans lesquelles l’utilisation des détecteurs de métaux ne sera pas soumise à autorisation restent circonscrites : elles concernent essentiellement les propriétaires privés qui prospectent sur leur propriété afin de retrouver un trésor familial, par exemple, le recours à ces appareils pour localiser des tuyauteries enfouies ou des bijoux perdus, ou enfin la prospection effectuée sur les dunes ou les plages d’Aquitaine en raison de la forte improbabilité d’y découvrir des vestiges archéologiques.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit la sanction pénale des infractions à la réglementation de l’utilisation des détecteurs de métaux.

Troisièmement, le projet de loi organise la publicité des dispositions relatives à l’utilisation des détecteurs de métaux auprès de leurs acheteurs potentiels. Je soulignerai sur ce point la collaboration efficace qui s’est établie entre le groupement des fabricants, commerçants et professionnels des détecteurs de métaux et le ministère de la culture. Je conclurai en indiquant que le projet de loi voté par l’Assemblée nationale correspond parfaitement aux objectifs de protection du patrimoine archéologique, sans entraver de manière excessive l’exercice d’une liberté individuelle. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles invite le Sénat à adopter ce texte. Elle souhaite néanmoins attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de définir une politique d’accompagnement de la future loi par une plus grande sensibilisation du public aux enjeux spécifiques de la protection du patrimoine archéologique, d’une part, et par une plus grande association aux chantiers de fouilles encadrés par des archéologues, d’autre part. (Applaudissements.)

(M. Etienne Dailly remplace M. Alain Poher au fauteuil de la présidence.) PRÉSIDENCE DE M. ÉTIENNE DAILLY, vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Jack Lang, ministre de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire.
Je remercie M. Miroudot pour son rapport dont la présentation me permettra d’être bref. Je félicite la commission des affaires culturelles du Sénat qui a excellemment rappelé les caractères du patrimoine archéologique, son omniprésence et sa fragilité. Elle a dépeint avec talent, par la voix de M. Miroudot, et de manière aussi convaincante que rigoureuse, la démarche scientifique de l’archéologue et elle a illustré les dangers que représente pour cette source majeure de reconnaissance de notre passé l’utilisation incontrôlée des détecteurs de métaux. Par là même, votre commission, écartant des solutions inadaptées à la protection du patrimoine archéologique a choisi je m’en réjouis – de vous inviter à adopter sans modification le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Je me contenterai d’affirmer que ce texte, outre le contrôle qu’il institue, organise la prévention et l’information et, comme le souhaite votre rapporteur, son application s’accompagnera de toute une série de mesures visant à sensibiliser et à instruire le public, en particulier les plus jeunes. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il instamment que vous puissiez adopter le texte qui vous est soumis et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec un avis favorable que les sénateurs communistes abordent l’examen du projet de loi relatif à l’utilisation des détecteurs de métaux. Il devenait en effet urgent de modifier la législation actuelle, inadaptée au temps présent et, en particulier, à la croissance des activités archéologiques ainsi qu’au développement et à l’utilisation de nouvelles technologies de plus en plus performantes et de plus en plus accessibles au grand public.

Nous approuvons donc ce projet de loi dans sa juste intention de préserver les vestiges archéologiques et culturels, connus ou restant à découvrir, par la réglementation d’une situation quelque peu anarchique. Chacun l’a constaté, le marché des détecteurs de métaux s’est considérablement accru ces dernières années, au même rythme qu’a grandi l’intérêt du grand public pour la défense de notre patrimoine, la recherche de vestiges archéologiques, le goût de l’aventure et, il ne faut passe le cacher, l’ambition secrète de découvrir « le grand trésor ».Il s’agit d’un intérêt louable à mon sens et qu’il ne faut pas rejeter. Je pense plus particulièrement au travail de ces milliers de bénévoles, jeunes pour la plupart, membres ou non de clubs, associations diverses, dont la contribution et la collaboration avec les professionnels est absolument indispensable dans l’état actuel de la situation de l’archéologie dans notre pays. Pour autant, nous ne pouvons laisser faire n’importe quoi. Il est vrai qu’un détecteur de métaux peut détruire à tout jamais un site archéologique en permettant d’opérer de façon sélective un prélèvement d’objets. Je dis bien « détruire » car l’objet découvert est silencieux et seule l’étude de son environnement permet de le faire parler. Il s’agit de nuisance également, et d’un tout autre ordre lorsque se développe, grâce à l’utilisation des détecteurs de métaux, de véritables marchés clandestins de pièces archéologiques.
La réglementation qui nous est proposée est donc justifiée mais elle serait insuffisante sans le développement parallèle de la sensibilisation et de l’information sur le patrimoine, sur l’archéologie, ses finalités, ses méthodes et ses moyens d’investigation, et ce, en premier lieu, à l’école. Je rejoins ici la pensée de Jean-Pierre Moher, conservateur en chef du musée des antiquités de Saint-Germain-en-Laye, qui assimile l’archéologie à un nouvel humanisme. Oui, il faut aider le public à comprendre que « chacun doit protéger le patrimoine, faire arrêter un chantier, déclarer une découverte, cesser les fouilles sauvages qui détruisent généralement les sites ». C’est avant tout une affaire d’éducation et l’année de l’archéologie devrait être l’occasion de la développer, si j’en crois, notamment, la très belle exposition que nous offre actuellement le Grand Palais.
Il serait toutefois injuste de n’attribuer les dégradations et destructions de sites archéologiques qu’à la seule utilisation inconsidérée des détecteurs de métaux. Quotidiennement, des sites archéologiques sont détruits à l’occasion de travaux, notamment par des promoteurs immobiliers et des concessionnaires d’autoroutes peu scrupuleux, plus soucieux d’obtenir la rentabilité que de préserver des vestiges archéologiques. Au mieux, il peut être procédé à des fouilles de sauvetage, si le site est connu et répertorié mais, en règle générale, c’est la destruction pure et simple, sans commune mesure avec les dégâts occasionnés par les détecteurs de métaux.
Des lois existent pourtant » mais il faut les appliquer, s’en donner les moyens, voire les modifier pour stopper net la destruction de notre patrimoine national.
Ces considérations étant présentées, vous me permettrez, monsieur le ministre, quelques remarques d’ordre plus général mais peu éloignées du sujet qui nous préoccupe. Si l’archéologie est aujourd’hui une science en pleine mutation, elle est également confrontée à une véritable crise de croissance.
De ses succès mêmes, tant au plan conceptuel que par l’essor des fouilles de sauvetage, l’archéologie française tire aujourd’hui des exigences beaucoup plus élevées. Ce constat est heureux, certes, mais il peut devenir sombre si les moyens du développement ne suivent pas. Manque d’archéologues, de moyens financiers, emplois précaires, dynamique scientifique nationale insuffisante, système de formation inadapté, carence dans l’inventaire des sites, dans l’exploitation des données recueillies : tels sont les grands maux de l’archéologie française. Notre pays compte quelque 2 000 archéologues. C’est insuffisant, d’autant que la majorité d’entre eux sont des contractuels, étudiants pour la plupart, ayant arrêté leurs études en licence ou maîtrise, ballottés de site en site. La précarité de leur situation constitue un véritable gâchis. L’administration reconnaît elle-même qu’il manque 300 postes à la sous-direction de l’archéologie. Dans le domaine de la recherche, le centre de recherches archéologiques du C.N.R.S. ne compte que 224 chercheurs et 200 ingénieurs et techniciens. Faire face aux besoins nécessiterait au minimum de recruter le double des cinq ou six archéologues engagés chaque année.
La question des moyens humains est cruciale. Un plan de recrutement devrait être mis en œuvre, accompagné d’une réflexion et de réformes qui doivent envisager la démarche archéologique dans sa globalité, de la prospection à la diffusion, dans le cadre d’un service public déconcentré et implanté au plus près de la réalité locale. Or, le rapport Martin Laprade, récemment publié, ne prend en compte que l’archéologie de sauvetage. Il ne s’agit pas de nier *son apport. La période de fouilles de sauvetage est productive de connaissances, mais il faut également développer les moyens de l’archéologie programmée, seule à même de tracer un cadre scientifique, de guider les recherches et de permettre de tirer le maximum des fouilles de sauvetage. Cela suppose également un inventaire des sites. Dans ce domaine, nous sommes en retard. Seuls 50 000 sites sont recensés contre une estimation de 500 000. A titre de comparaison, les Pays-Bas en recensent 500 000 pour un territoire plus petit.

De la même manière, il apparaît nécessaire de développer les publications et les diffusions scientifiques. Comment peut-on préserver et sauver un patrimoine si l’on n’est pas en mesure de le comprendre et de le transmettre ?
Il s’agit là, monsieur le ministre, d’une question fondamentale quand on sait que les fouilles, prestigieuses, longues et coûteuses – 100 millions de francs en cinq ans – au Grand Louvre n’ont donné lieu, jusqu’à ce jour, à aucun plan de publication scientifique. Il en est de même en ce qui concerne les fouilles de la Bourse de Marseille faites dans les années 1970.
Là encore, ce phénomène s’explique par le manque de moyens humains, le nombre de chantiers de fouilles de sauvetage, etc.
Ce phénomène met également en évidence le manque de formation. C’est vrai au plus haut niveau, dans les domaines les plus pointus. L’archéologie est une science pluridisciplinaire qui fait appel à des géologues, historiens, géographes, physiciens, chimistes, ethnologues… Or, nous manquons de cadres de haut niveau. C’est vrai aussi, de façon générale, pour la formation du plus grand nombre des archéologues. Se pose donc ici le problème de la formation initiale, obsolète et souvent dépassée, et de la formation continue et professionnelle, notamment pour l’ensemble des contractuels sans statut déterminé, véritables intérimaires de l’archéologie française.
Je tenais, monsieur le ministre, à évoquer brièvement ces questions, car elles sont au cœur des enjeux du développement de l’archéologie, de la sauvegarde de notre patrimoine, et aussi de la place de la France dans le monde. Comment ne pas être préoccupé, monsieur le ministre, quand on sait que, faute de jeunes chercheurs, la France ne pourra pas répondre à l’appel de l’U.N.E.S.C.O. pour les nouveaux travaux sur le temple d’Angkor au Cambodge ? Je sais que nous aurons l’occasion, dans les mois qui viennent, de revenir sur ces questions. Cela dit, le texte proposé aujourd’hui est un pas en avant dans le développement de ce domaine scientifique en pleine mutation. Nous nous en félicitons, tout en espérant qu’il sera suivi de nombreux autres.
Soyez assuré que nous attendons avec impatience, comme l’ensemble des archéologues, vos réponses et propositions aux questions posées.

M. le président. La parole est à M. Perrein.

M. Louis Perrein. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux textes que nous allons examiner après l’Assemblée nationale comblent, à l’évidence, un vide juridique, et nous constatons une convergence de vues entre le Parlement et le Gouvernement. La législation antérieure n’était plus adaptée aux techniques de fouilles archéologiques actuelles. En effet, la loi de 1941 ignore les détecteurs de métaux puisque les « poêles à frire » – termes employés dans les milieux archéologiques n’existaient pas à cette époque.
Notre collègue M. Marc Boeuf avait déjà souligné les dangers, pour la conservation du patrimoine national archéologique, de l’utilisation de ces détecteurs en déposant, dès 1981, une proposition de loi qui, malheureusement, est restée sans suite. La législation relative aux biens culturels maritimes datait de 1961 et était incomplète puisqu’elle n’envisageait que les épaves. Pouvaient être ainsi soumises aux fouilles sauvages toutes les structures fixes, dont les cités antiques ensevelies que l’on continue de découvrir aujourd’hui en Méditerranée.
Il est tout à fait opportun qu’un texte vienne aujourd’hui protéger également ces sites, répondant ainsi à la recommandation de 1978 du Conseil de l’Europe. Ce projet de loi est également en parfaite harmonie avec la législation internationale : la zone protégée sera celle que définit la convention des Nations unies de 1982. Enfin, une politique concrète d’envergure accompagne ces deux projets de loi que nous allons examiner puisque cette année a été déclarée « Année de l’archéologie ». On peut ainsi espérer que les manifestations organisées à cet effet touchent le plus large public et qu’une sensibilisation des enfants soit envisagée dans les écoles et collèges. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour mettre tout en œuvre en vue de la conservation de nos richesses culturelles nationales, dont fait partie, à l’évidence, le patrimoine archéologique.
Pour favoriser l’application effective des deux futures lois, le groupe socialiste a déposé un amendement que la commission des affaires culturelles a bien voulu adopter.

M. Maurice Schumann, président de la commission. Oui !
M. le président. La parole est à M. Hamel.

M. Emmanuel Hamel. Etant donné l’émotion que ce texte suscite chez des jeunes aimants la détection parce que c’est une recherche, une aventure, l’exercice d’une liberté, je voudrais souligner que le rapport de M. Miroudot comporte l’affirmation suivante : « Seule la détection archéologique est soumise à autorisation administrative. Le projet de loi préserve ainsi la liberté de la détection de loisirs. » S’il advenait que des juges soient saisis pour appliquer les sanctions prévues par ce projet de loi, je souhaite qu’ils se souviennent que ce dernier n’aura été voté qu’en fonction de cet élément important qui est contenu ‘dans le rapport.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close. Nous passons à la discussion des articles.

Article ler

M. le président. « Art. 1 er. – Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. » Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’article ler.
(L’article ier est adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président. « Art. 2. – Toute publicité ou notice d’utilisation concernant les détecteurs de métaux doit comporter le rappel de l’interdiction mentionnée à l’article ler de la présente loi, des sanctions pénales encourues, ainsi que des motifs de cette réglementation. » (Adopté.)

« Art. 3. – Toute infraction aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application est constatée par les officiers, agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, ainsi que par les fonctionnaires, agents et gardiens, visés à l’article 3 de la loi n° 80-532 du 15 juillet 1980 relative à la protection des collections publiques contre les actes de malveillance. » – (Adopté.)

Article 4

M. le président. « Art. 4. – Les procès-verbaux dressés par les diverses personnes désignées à l’article 3 ci-dessus sont remis ou envoyés sans délai au procureur de la République dans le ressort duquel l’infraction a été commise. » Par amendement no 1 rectifié, MM. Estier, Perrein, Autain, Carat, Castaing, Delfau, Guillaume, Labeyrie, Quilliot, Saunier, Vallet, Vezinhet, Vidal, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans cet article, après les mots : « ci-dessus », d’insérer les mots : « font foi jusqu’à preuve contraire et ». La parole est à M. Perrein. M. Louis Perrein. Le projet de loi relatif aux fouilles archéologiques et aux biens culturels maritimes prévoit que les procès-verbaux transmis au procureur de la République « font foi jusqu’à preuve contraire ». Il est important d’introduire cette mention dans le texte relatif à l’utilisation des détecteurs de métaux. En effet, la pratique veut que les procureurs de la République ne retiennent que les seuls procès verbaux faisant foi jusqu’à preuve contraire. Dans le cas inverse, d’après nos informations prises à bonne source, ces documents sont jetés. L’adoption de notre amendement constitue donc la condition sine qua non de l’application effective dé la future loi. Sans cela, personne ne pourra être entendu par le procureur de la République et l’ensemble du dispositif risque de rester lettre morte. Mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement, qui a reçu un avis favorable de la commission des affaires culturelles.

M. le président. Nous allons le lui demander (Sourires.) Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Michel Miroudot, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement a été soumis hier à la commission des affaires culturelles. Il tend à conférer aux procès-verbaux qui constateront les infractions à la nouvelle réglementation la force probante supérieure qui leur est, en général, reconnue par la loi lorsque des agents spéciaux ont été habilités à dresser ces constats. En l’espèce, l’article 3 du projet de loi élargit le cercle des agents compétents pour constater les infractions aux fonctionnaires et agents chargés de la conservation des immeubles et meubles classés ou inscrits, de la protection des découvertes archéologiques et des épaves maritimes, enfin au personnel des musées, des bibliothèques et des archives. Cet amendement permettra de renforcer opportunément le contrôle effectif de la nouvelle réglementation. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles y a donné un avis favorable. M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jack Lang; ministre de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire. L’amendement n° 1 rectifié que vient de présenter M. Perrein ne manque pas de pertinence et l’intention qui l’anime rejoint entièrement la mienne. Les infractions aux dispositions du présent projet de loi constituent des contraventions. Or, le deuxième alinéa de l’article 537 du code de procédure pénale précise : « Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire. » Par conséquent, cet amendement, certes judicieux et inspiré, je le répète, par une intention qui est aussi la mienne, se révèle superflu. J’ajouterai une considération d’ordre pratique : si vous l’adoptez, l’Assemblée nationale aura, à son tour, à s’interroger et nous devrons éventuellement procéder à une nouvelle lecture. A vous d’apprécier ! Je vous livre le fond de ma pensée : je crois que cet amendement, certes judicieux, est superflu. Par ailleurs, votre volonté clairement exprimée jointe à celle du Gouvernement l’emportera sur toute autre si une interprétation se révèle nécessaire. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement. M. le président. Dans ces conditions, monsieur Perrein, maintenez-vous votre amendement ?

M. Louis Perrein: Monsieur le ministre, vous reconnaissez que cet amendement est judicieux et la Haute Assemblée, en accord avec sa commission des affaires culturelles, est unanime pour l’adopter. Afin que le Sénat dans sa plénitude soit à même d’approuver ce phénomène extraordinaire que constitue l’unanimité des sénateurs, je pense qu’il est judicieux de maintenir cet amendement.

M. Emmanuel Hamel. Le ministre a dit qu’il était inutile !

M. le président. N’ayant pas encore consulté le Sénat, je ne peux juger de son unanimité !
M. Maurice Schumann, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Maurice Schumann, président de la commission. J’avoue que j’ai été très frappé par l’argumentation qu’a développée l’éminent juriste qu’est M. Lang, ministre de la culture, dont je suis en train de faire l’éloge. Toutefois, il va de soi que, si les auteurs de l’amendement le maintiennent, la commission, fidèle au vote unanime qu’elle a émis, demandera au Sénat de l’adopter. M. Michel Miroudot, rapporteur. C’est cornélien, mais c’est ainsi ! M. le président. Personne ne demande plus la parole ?… Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement. (L’amendement est adopté.).
M. le président. Monsieur Perrein, j’avais raison d’être prudent, car vous avez pu constater que le Sénat n’était pas unanime !

M. Louis Perrein. Il l’est presque !
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’article 4, ainsi modifié.
(L’article 4 est “adopté.)
Articles 5 et 6
M. le président. « Art. 5. – Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application des articles ler et 2 de la présente loi. » – (Adopté.)

« Art. 6. – La présente loi est applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte. <4 Les dispositions des articles 257, 257 – 1 et 257 – 2 du code pénal ainsi que celles des articles 3 à 6 de la loi no 80-532 du 15 juillet 1980 précitée sont rendues applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte. » – (Adopté.)

Personne ne demande la parole ?… Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Source du texte: Site internet du Sénat concernant la Séance du 19 Octobre 1989 sur les Détecteurs de Métaux

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