Depuis l’affaire du trésor de Boucq (qui débute le jour de sa découverte le 15 avril 1997) et se termine juridiquement en 2001 près de 20 ans ont passé. Nos membres ont déclaré une quinzaine de trésors (17) qui ont presque tous été fouillés par la DRAC ou autre entité archéologique. Or quelques années avant 1999 nous avions déjà mis en place un code de bonne conduite expliquant quoi faire en cas de découverte archéologique comme une boursée ou un trésor (dépôt de mobilier). Nous avions pris contact avec deux avocats différents pour des conseils, et déjà déclaré pas mal de choses.

J’ai lu nombre de commentaires sur Boucq et à chaque fois rien ne sert d’en parler sans connaître les tenants et aboutissants. Des amalgames sont faits, des interprétations propres à induire en erreur le lecteur. Des propos insultants sont lus et ne montrent pas une bonne image des utilisateurs de détecteurs. Pour faire simple, ce que les défenseur de cette affaire avaient recherché, c’était de réaliser un revirement de jurisprudence. Mais cela n’a pas fonctionné.

Absence d’autorisation du propriétaire du terrain

Petit rappel: cette affaire commence mal puisque les prospecteurs n’ont aucune autorisation du propriétaire du terrain pour utiliser leurs détecteurs (un bois communal). Si une parcelle appartient à une commune, elle seule peut donner une autorisation (ou non) pour rechercher par exemple une bague perdue, des clefs de voiture, etc. Un terrain communal est un terrain (un domaine privé de la commune). C’est donc en droit, un terrain privé appartenant à une commune. La commune de Boucq n’est donc pas au courant des recherches. En Angleterre si vous recherchez sans l’autorisation du propriétaire du terrain l’amende peut aller jusqu’à 10.000 livres Sterling, soit 11.000 euros

La découverte

Deux cents monnaies d’or dans un petit pot de céramique. Le pot n’est qu’à une quinzaine de centimètres de profondeur, le goulot est cassé: le fonds du pot est côté ciel (retourné donc). Ceci ne sera pas noté par les défenseurs de Louis F et Jacques R. Ils continuent leurs recherches autour (espérant peut être découvrir autre chose) puis sans rien trouver de plus. Ils rentrent chez eux, comptent les monnaies et cherchent dans les livres de numismatique afin de les identifier. Ce qui leur prend une quinzaine de jours environ. Pourtant s’ils avaient laissé le pot dans le sol et permis une fouille archéologique, cette affaire aurait pris un autre cours. En effet la position du pot dans le sol, l’endroit peu commun pour cacher ce trésor, et surtout que le pot soir retourné, aurait-il pu être admis qu’il s’agissait non plus d’un trésor, mais plutôt d’un objet perdu enfoui au fil du temps ?

La déclaration

Après quoi ils écrivent au maire de la commune une lettre recommandée le 24 avril 1997, lui indiquant la découverte, et lui demandant de bien vouloir leur fixer un rendez-vous tout en rappelant certains textes de lois, aidés par leur juriste. Je précise ici, que ce n’est pas la procédure normale prévue par les textes en cas d’une telle découverte qui précise à l’époque que la déclaration doit être faite en mairie immédiatement (sans délai donc). Et pour éviter tout litige ultérieur, actuellement, la loi précise même que la déclaration d’une découverte doit être faite conjointement avec le propriétaire du terrain.

Au bout de trois semaines environ, la mairie répond par courrier et fixe un rendez-vous. Les deux prospecteurs précisent qu’ils apporteront le trésor à la mairie. Le maire a tout prévu et loué un coffre-fort afin de mettre en sécurité le trésor et même une escorte de deux gendarmes afin d’emmener les 200 monnaies en lieu sûr (à la perception). Il explique aux deux découvreurs que selon les termes de l’article 716, il faut savoir à qui a bien pu appartenir ce trésor et que l’utilisation d’un détecteur ne permet pas un éventuel partage, la découverte n’ayant pas été de façon fortuite, mais au cours d’une recherche au détecteur…

Pas d’article 716

C’est alors qu’ils ne comprennent plus grand-chose à ce qui arrive et va arriver par la suite, puisqu’ils ont trouvé un trésor! Depuis quant faut-il sortir un trésor de terre et l’amener en mairie??? D’autre part l’article 552 du code civil est parfaitement clair, tout ce que contient un terrain appartient entièrement au propriétaire du terrain, sauf si l’application de l’article 716 est validée par les quatre conditions qu’il exige. A défaut, c’est l’article 552 du code civil qui prévaut.

Ultérieurement une procédure est lancée contre eux. Au bout de quelques mois, un avis de procédure inopportune est rendu (ils ne seront pas poursuivis) le Directeur de l’Archéologie Régionale donne aussi son avis ; les monnaies n’ont qu’un intérêt scientifique limité. C’est lorsqu’ils vont demander de récupérer la moitié du trésor (bien qu’ils n’avaient droit à rien) que l’affaire va être relancée à nouveau et cette fois-ci donnera lieu à un premier procès.

Cependant lorsque l’on analyse ce qui s’est produit on comprends mieux pourquoi cela n’a pas fonctionné, en voici les raisons:

Les vraies raisons des procès perdus

1/ Absence d’autorisation du propriétaire du terrain pour les recherches… En Angleterre les prospecteurs ont toujours l’autorisation du propriétaire, sauf les pillards[1].

2/ Sortie du trésor du sol au lieu d’arrêter immédiatement et de privilégier une fouille en bonne et due forme… En Angleterre les prospecteurs ne sortent JAMAIS un trésor du sol, sauf les pillards.

3/ Poursuite des recherches dans la zone alors qu’un premier élément archéologique y a été découvert… Les Anglais ne le font jamais, ils attendent les autorisations des archéologues. Les pillards le font… En France certains on popularisé le fait qu’un pot pourrait en cacher un autre.

4/ Déclaration tardive… Bien que leur honnêteté ait été reconnue du fait qu’ils avaient déclaré.

5/ Très mauvais conseils donnés par leur association… En Angleterre il n’existe pas d’association liées à des magazines et/ou liées à des boutiques de détection.

6/ En France la loi s’applique AUSSI AUX TERRAINS QUI CONTIENNENT DES VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES et donc pas seulement qu’aux terrains qui contiennent des sites…

7/ Mauvaises informations lues dans les magazines spécialisés sur la détection de métaux… Comme par exemple exiger un reçu (ils en obtiendront un de 201 Frs, 200 pour les monnaies, un franc pour la pot, soit le minimum légal). Mais comment un maire peut-il connaître la valeur de ce qui lui est apporté et quelle loi précise qu’il faut sortir un trésor de terre et l’emmener en mairie??? (au risque de détruire les couches archéologiques autour et donc d’avoir encore plus de problèmes). Parce que si vous détruisez la couches archéologiques, vous serez accusé de destruction de ces couches.

8/ Détection dite de loisir : En Angleterre, il n’y a pas de fausses informations ou d’information erronées diffusées par les commerçants ou les revues sur les textes concernant le PAS / TREASURE ACT, tout n’est pas complètement libre non plus. Et il n’existe pas de boutique de détection ayant une une revue de détection ou une association. Tout est séparé, c’est pour cela qu’il n’y a pas de fausses informations.

9/ Les dires de Louis qui, l’ont s’en doute, devait être très impressionné de se retrouver dans un tribunal. [3]

L’argument commercial de l’article 716

Il faut se replonger dans les revues de détection de l’époque. On pouvait y lire qu’en cas de découverte, la moitié revenait au découvreur même en cas d’utilisation du détecteur. Or ce n’est pas la loi. Déjà dès les premières années de l’entrée en vigueur de l’article 716, les jurisprudences montraient qu’en cas de recherches volontaires, le pur effet du hasard était donc absent. C’est pourtant l’une des quatre conditions exigées pour que l’article 716 s’applique. En fait dans le cas de Boucq tout revenait alors au propriétaire du terrain (cf : article 552 du code civil) car non seulement il n’est pas courant des prospections (recherches devrais-je dire) mais aussi il y avait absence de hasard. Est-ce aussi le hasard de ne rien trouver ?

Premiers contacts juridiques

Les découvreurs prennent attache avec un avocat (Maître FLORIOT) qui leur explique qu’en pareil cas, la jurisprudence n’est pas en leur faveur et que leur affaire semble mal partie. Ils m’appellent (Pierre ANGELI) pour me demander si je connaîtrais un avocat spécialisé dans le domaine, la réponse de ce premier avocat ne les satisfaisant pas. Je venais pourtant de leur expliquer la même chose que lui et ils ne me crurent pas car ce n’était pas ce qu’ils avaient lu dans les revues de détection, ni ce que leur avait dit leur association. Cet avocat avait été clairvoyant… Et de bon conseil. Il faut dire que certains des membres du bureau de leur association étaient aussi des vendeurs de détecteurs. Or, dire que l’on a droit à 50% en cas de découverte c’était peut-être un argument de vente facile… C’était aussi ce que l’on pouvait lire dans presque toutes les revues de l’époque et entendre dans les magasins spécialisés. Mais cela fait des dizaines d’années qu’en cas d’absence de l’autorisation du propriétaire du terrain, on a droit à rien du tout.

La suite est connue, ils changent d’avocat et alors qu’une décision de poursuite inopportune vient d’être rendue, leurs conseils juridiques relancent toute l’affaire pensant que les découvreurs ne pourront peut-être plus « récupérer » leur trésor. C’est ce qui les perdra. L’ami de détection de Louis F décède d’une longue maladie et Louis se retrouve seul… Le premier procès est perdu. Louis fait appel. À cette nouvelle, j’explique à Louis qu’au vu des circonstances et du premier jugement, il n’a que peu de chances et je prend soin d’appeler aussi son conseiller juridique à qui j’explique pourquoi (au vu des jurisprudences) mais ils m’écoutent pas. Le procès en appel est perdu.

Louis fait cassation

Louis décide de faire cassation. Mais la cour de cassation ne juge pas sur l’affaire en elle-même (le fonds), c’est à dire ce qu’il s’est passé, mais sur la forme. C’est-à-dire comment le dossier à été monté, y a-t-il une erreur dans le dossier qui permet d’annuler le jugement en appel? Non. Donc le pourvoi en cassation est rejeté. Sera alors tentée une ultime action devant la CEDH, Cour Européenne des Droits de l’Homme qui elle aussi déboute Louis F. A chaque procès perdu, Louis à du payer les frais d’avocat de la partie adverse comme le précise l’article 700 de procédure civile.

Se cotiser pour aider Louis

Faire cassation coûte cher. À l’époque, je crois me souvenir que cela avait coûté 40.000 frs à Louis, actuellement, c’est beaucoup plus. L’affaire au total lui aura coûté 65.000 frs, soit 10.000 euros. Il fut condamné à 10,000 frs dont 9,000 avec sursis et 3,000 francs de dommages et intérêts. Nous avons été les premiers à lancer une quête pour aider Louis, mais les prospecteurs n’ont pas été solidaires avec lui comme il l’aurait espéré. Par exemple, les prospecteurs Allemands avaient envoyé 5.000 frs via notre délégué pour l’Allemagne Jean-Louis GERLACH, et les membres de la Fnudem environ 2.800 frs (nous étions alors 130 membres). L’afp lui avait fait parvenir 3.000 frs (l’afp disait avoir 4000 membres, mais c’était faux).

Plus tard, au moment de la vente des monnaies, une autre quête fut lancée sur Detecteur.net, elle permettra d’acheter seulement deux des monnaies du trésor qui seront offertes à Louis. Oui, seulement deux. Cela ne fait pas bien lourd pour une communauté dont certains disent qu’elle comporterait 130.000 personnes, d’autres 300.000 et en arrivant au port 850.000 (selon les rêves de certains commerçants). Et quasiment aucun vendeur n’a donné la moindre piécette pour Louis.

Les fausses informations autour de cette histoire

Pour information, il n’y a jamais eut de classement de site sur le lieu du trésor pour la simple et bonne raison qu’il n’y a jamais eut de site archéologique à cet endroit. Il y avait eu le même bruit qui avait couru à l’époque de la découverte. C’était dû à une grossière confusion avec le libellé de la plainte: Destruction de site archéologique OU TERRAIN CONTENANT des VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES… Et c’est facilement vérifiable vu qu’en cas de classement, il faut une publication officielle qui… ne peut être anti-datée!! Croyez-moi j’avais vérifié à l’époque, même la DRAC disait qu’il n’y avait pas de site à cet endroit. Le journaliste de la vidéo n’a pas vérifié toutes les informations, chose qu’il aurait du faire. En revanche après une découverte comme celle-ci, ce sont les effets du classement s’appliquent momentanément pour des questions de protection. Mais cela ne peut se faire qu’APRÈS la découverte, pas avant. C’est justement pour éviter d’autres recherches ultérieurement faites suite à la première découverte.

Pré-conclusion

L’affaire de Boucq c’est justement ce qu’il ne faut pas faire en détection et ce qu’il ne faut pas faire en cas de déclaration. Les revues que lisait Louis en ces temps là, tout comme son association ont aussi un part de responsabilité dans cette défaite qui fait jurisprudence. C’est une jurisprudence de cour de cassation (3 ème degré) et il sera bien difficile d’en créer une positive de même niveau, c’est à dire en montant en cassation et en étant dans notre sens. Disons-le c’est mission impossible, et au vu des sommes à débourser qui le fera?

PS: En Angleterre SI VOUS RETIREZ UN TRÉSOR DU SOL OU BIEN DES OBJETS GROUPÉS. OU BIEN QUE VOUS RECHERCHEZ DANS L’INTENTION DE DÉCOUVRIR DES OBJETS OU MONNAIES ARCHÉOLOGIQUES, vous vous exposez à une très forte amende. Et même dans certains cas de pillage à une interdiction de posséder ou d’utiliser un détecteur de métaux A VIE!

La prospection responsable aurait évité tout cela

Quand les gros vendeurs de détecteurs décideront d’investir dans la Détection RESPONSABLE et RAISONNÉE comme ce que nous faisons, cela donnera une autre image des détecteuristes au lieu d’investir des sommes colossales à se faire des procès entre eux ou des grosses vidéo bien alléchantes pour vendre toujours plus (ce qui pénalise les petits revendeurs honnêtes et sérieux qui n’en n’ont pas les moyens). Quand les gros vendeurs décideront d’investir dans l’information correcte des textes, nous arriverons à quelque chose proche de la situation Anglaise car il aura bien moins de confusion, bien moins d’erreurs sur le terrain, bien moins de procédures et nous y gagnerons tous en sérieux !

Dans une réponse de l’Europe qu’avait reçu Gérard S, on peut lire ceci : « Il convient d’abord d’indiquer que dans le dispositif actuel, L’UTILISATION D’UN DÉTECTEUR DE MÉTAUX À DES FINS DE LOISIR ET HORMIS TOUTE RECHERCHE ARCHÉOLOGIQUE (P.EX. RECHERCHE DE BIENS DE FAMILLE, D’OBJETS ET BIJOUX RÉCENTS PERDUS, DE MINÉRAUX, DE MÉTÉORITES) EST LIBRE ET LE RÉGIME D’AUTORISATION ADMINISTRATIVE INSTITUÉ PAR LA LOI N’A PAS UNE PORTÉE GÉNÉRALE. Il incombe au prospecteur amateur de s’informer sur la liste des sites archéologiques sur lesquels il ne peut pas se rendre sans autorisation préalable. En ce sens, l’administration concernée doit faire connaître la liste des sites et/ou interdire leur accès. Par ailleurs, LE PROSPECTEUR DOIT POSSÉDER L’AUTORISATION DU PROPRIÉTAIRE D’UN TERRAIN, QU’IL EST ASSURÉ DE N’Y TROUVER AUCUN SITE ARCHÉOLOGIQUE CONNU et que ses recherches ne visent pas à découvrir des monuments ou des objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie. »

Conclusion

Pour conclure, je laisse cette phrase que m’avait dit Louis : « Cette histoire de trésor, j’y pense tous les jours de ma vie » . Il avait été très déçu de ne jamais avoir vu son président le soutenir à aucun des procès, seul Antoine BEGUIN était venu. Un vendeur de détecteur parisien avait même promis à Louis 10,000 frs en se regroupant avec d’autres commerçants, ce n’était peut être que le chiffre d’affaire d’une journée de vente d’appareils, mais Louis les attends toujours !

Remise des deux monnaies à Louis Fontenay par Jean-Louis GERLACH :

[1] Un terrain communal est un domaine privé de la commune.

[9] Cf Cour de Cassation ; « Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ces infractions, l’arrêt retient que Louis X… a agi sans aucune autorisation et qu’il a reconnu que ses recherches avaient pour but la découverte d’objets historiques ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d’appel a justifié sa décision ; » (Crim, 26 juin 2001, pourvoi N°00-87054 commune de Boucq c/Fontenay rejet ).

https://www.monnaie-romaine.com/articles/boucq.php

https://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/tresor-butin-acquis-profite-jamais-15721.htm

http://www.documentissime.fr/actualites-juridiques/consommation-et-concurrence/tresor-mal-acquis-ne-profite-jamais-2027.html

[ 3] http://www.tresordupatrimoine.fr/content/104-tresor_de_boucq

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